Comme à son habitude, dans le glamour et les paillettes, la Paris Fashion Week s’est tenue dans notre belle capitale du 26 septembre au 4 octobre 2022. Elle a présenté à grand bruit la collection printemps-été 2023 dans 105 défilés sublimes organisés par 83 maisons de couture.
L’évènement était très attendu à la suite des restrictions du Covid en 2020-2021.
La Paris Fashion Week est un enjeu de taille aux retombées financières magistrales pour les créateurs, l’emploi, les boutiques des grands boulevards parisiens, l’hôtellerie et la restauration haut de gamme dans une ville transfigurée par une ébullition continue de 9 jours.
Face à toute cette effervescence, qu’en est-il de la planète et du développement durable ?
Où est la place de l’économie solidaire et des restrictions d’énergie et de budget ?
La Paris Fashion Week est-elle éco-responsable ou en voie de le devenir ?
L’univers de la mode est un business indispensable en France
La Fédération de la haute couture et de la mode
La FHCM est l’organisateur de l’évènement de la Paris Fashion Week. Son rôle est de promouvoir la mode et l’élégance française à l’international et de contribuer à son rayonnement hors frontières. Elle est bien décidée à maintenir notre belle capitale au firmament de la mode.
Toute l’année, elle s’active pour une quinzaine de jours de défilés avec ses membres :
- les lieux choisis
- la sélection des maisons de couture
- le marketing
- les signatures de contrats et de partenariats fructueux
- et non des moindres, le financement
Ces activités sont suivies d’une main de maître et, médias, grands reporters et magazines sont à ses pieds.
Le bilan est plutôt satisfaisant avec une augmentation des visiteurs et des publications.
Des retombées spectaculaires
Ce monument du style, de la mode et des créateurs occupe les professionnels du secteur à Paris deux fois par an.
Les chiffres sont considérables et sans appel pour la capitale française quand on sait que la mode rapporte à l’économie française pas moins de 1,2 milliard d’€ par an.
L’organisation de ce fashion show en chiffres, c’est :
- 1,2 milliard d’€ de gains financiers pour les acteurs de la mode parisienne par année
- 400 défilés recensés chaque année (dont 50% de marques étrangères participantes)
- 27 salons professionnels avec 14 000 exposants (dont 75% de marques étrangères)
- 300 ateliers de fabrication de vêtements et d’accessoires
- 600 000 emplois pérennes ou intermittents
- 100 000 visiteurs individuels par an dans les évènements de mode.
Comme son nom l’indique, la Fashion Week dure une semaine et pendant cette période toute la ville est en émoi pour recevoir des célébrités, des stars invitées, des influenceurs et des personnes influentes des tendances fashion comme Vogue USA.
Cet évènement prestigieux est emblématique d’autant que les professionnels travaillent d’arrache-pied au moins 6 mois sur des créations qui ne seront visibles sur le podium que quelques furtives minutes.
Les publications digitales mènent le show sur les réseaux sociaux
Relais des vidéos de défilés des marques participantes et des articles sur les créateurs, l’affluence est importante +700.000 visiteurs sur les plateformes en ligne Paris Fashion Week et Haute Couture Week mises en place par la FHCM et plus de 2,5 millions de pages vues et partagées sur les réseaux.
Ainsi, les créateurs et leurs maisons, la FHCM et ses invités ont partagé les images des collections avec le grand public et les professionnels de la mode. Les modes de diffusion sont les livestreams, les vidéos ou films créatifs en plus des photos et interviews.
Instagram, Google, TikTok, YouTube, Facebook, Canal+, The Asahi Shimbun, CNN et les réseaux chinois Weibo, Tencent Video, We Chat ont largement diffusé les contenus offrant à la PFW une couverture mondiale.
La conscience collective s’éveille à la démarche éco-responsable
Une cohabitation entre conscience solidaire et consommation
Les habitudes de consommation actuelles ont pourtant bien changées, les fashionistas ne pensent qu’aux vêtements et accessoires de mode responsables, elles vantent les avantages de leurs acquisitions provenant de Vinted, Vestiaire Collective, de dépôts d’occasion ou issus de l’upcycling.
Elles affichent sur leurs blogs des recettes pour fabriquer des cosmétiques, comment entretenir un potager bio ou encore fabriquer son pain maison.
Il y a bien une contradiction entre l’attrait pour la mode de consommation à la fast-fashion aux matières peu éthiques (Shein, Zara et H&M) et la prise de conscience mondiale que la planète voit diminuer ses ressources peu à peu.
La conscience collective décrie ces défilés et dénonce le gaspillage de tissus pour fabriquer un vêtement de créateur qui nécessite jusqu’à quatre essais avant d’obtenir le modèle final, les allers-retours en avion et en voiture, les décors de défilés aux prix exorbitants, le gaspillage de cosmétiques commandés et inutilisés qui finissent à la poubelle.
L’addition se compte en euros et également en empreinte carbone. Il est difficile d’imaginer un défilé de mode éco-responsable dans ces conditions et encore moins dans une tendance pour le zéro déchet.
Des activistes militent contre le gaspillage à la Paris Fashion Week
Des regroupements de militants comme Les Amis de la Terre, Extinction Rebellion et Youth for Climate se font entendre dans les médias par des opérations coup de poing pour s’insurger de la gravité de la crise écologique tout en clamant l’arrêt immédiat des émissions de gaz à effet de serre, la prise de mesures en faveur d’une neutralité carbone en 2025 ou une franche réduction de la consommation énergétique.
Le dernier jour de la Paris Fashion Week, le défilé Louis Vuitton au musée du Louvre a vu son podium envahi par des pancartes filmées et relayées dans le monde entier par les médias présents pour le show. Marie Cohuet, une jeune membre de l’association les Amis de la Terre a volé la vedette aux mannequins en s’avançant sur le catwalk, elle a posé devant les photographes quelques instants avant d’être jetée dehors par les agents de la sécurité.
En parallèle de cet évènement inattendu, les militants des 3 organisations associées ont lancé un message au président de la République, Monsieur Emmanuel Macron, par un communiqué exigeant « une réduction immédiate des niveaux de production dans le secteur, alors que 42 vêtements par habitant ont été commercialisés en 2019. »
Pour confirmer cette action menée par Marie Cohuet, l’organisation Extinction Rebellion France a revendiqué dans un post publié sur son compte Facebook : « l’industrie de la mode représente jusqu’à 8,5% des émissions de gaz à effet de serre mondiale. Plus de 30 millions de tonnes pour la France ». L’association mentionne également : « la production textile consomme 11% des pesticides dans le monde et engendre un cinquième de la pollution des cours d’eau ».
La Paris Fashion Week amorce son engagement écologique
La FHCM agit pour réduire l’impact écologique de la PFW
L’évènement de la mode parisien marque sa volonté de montrer sa pleine conscience de la situation désastreuse de la planète.
Sachant que l’industrie de l’habillement est l’une des plus polluantes, la FHCM a eu recours aux prestations du cabinet de conseil britannique PwC qui a mis au point deux outils d’écoconception : le premier concerne l’organisation d’évènements et le second servira à la fabrication des collections.
Concrètement, il s’agit d’outils de mesure de l’impact environnemental, social et économique mis gratuitement à la disposition des maisons de couture pour les soutenir dans leurs efforts à mieux contrôler leur impact sur l’environnement. Cette initiative est soutenue par l’Institut français de la mode.
Désormais, grâce au premier outil, les maisons de création pourront sélectionner des prestataires pour leurs défilés, showrooms et présentations dans un panel de professionnels innovants dans ce secteur. Le second outil verra son utilité dans le pilotage des collections en suivant de près le niveau d’engagement RSE et la performance environnementale et sociale.
D’autres moyens seront prochainement mis en œuvre pour les prochaines saisons de la Paris Fashion Week par une sélection réfléchie de moyens de transport écologiques, un recyclage des déchets intelligents, avec une transformation valorisante des décors et d’autres matériaux impliqués dans les shows pour éviter leur destruction après un unique usage.
Le mode circulaire
Les fédérations professionnelles émettent des recommandations dans le mode circulaire.
Ce document regroupe 11 fédérations professionnelles du commerce et de la mode ainsi que l’éco-organisme de collecte financé par les marques, EcoTLC. Ils ont initié la rédaction d’un texte reprenant les perspectives de la loi du 10 février relative à la lutte contre le gaspillage et à l’incitation à l’économie circulaire. Rappelons que cette loi a été votée à la suite des scandales liés à la destruction massive d’invendus par les entreprises de la mode.
Le texte demande aux commerçants de reprendre les vêtements usagés de la clientèle et de prendre des mesures pour recycler au lieu de détruire les pièces invendues. Le dispositif malus bonus est renforcé et récompense avec des écocontributions les initiatives ou méthodes de recyclages.
Le projet de la Paris Fashion Week Responsable
En mars 2021, 10 personnalités de la mode se sont engagées dans le projet de créer une Paris Fashion Week Responsable.
Ce collectif réunit Patricia Roth de Sakoshë, Zoé Le Boucher d’Admise Paris, Alice Bailly de Réuni, Claire Suco de Meuf Paris, Jessica Troisfontaine de Septem, Marion Nerguisian d’Atelier MaSla & Atelier Gasparine, Anaïs Dautais Warmel de Les Récupérables, Gaëlle Constantini, Samia Larouiche et Chrysoline de Gastines de Balzac Paris.
Leur objectif est d’interpeller les membres du gouvernement et l’Union européenne pour s’engager davantage dans la mode responsable. Elles partagent leur envie et leur projet de faire bouger les lignes de l’industrie textile tout en sensibilisant les consommatrices et en recherchant le soutien du gouvernement français et l’UE dans leur démarche.
D’après ce collectif, les chiffres de sondages d’opinion sont significatifs :
72% des 18-34 ans pensent avant tout à se tourner vers une marque qui correspond mieux à leurs valeurs. Et, 81% des Français(es) sont en faveur d’une Fashion Week Responsable. *source IFOP.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la mode reflète notre mode de vie et nos aspirations.
Les nouvelles façons de consommer comme acheter des vêtements de seconde main, la fabrication de ses propres vêtements, le recyclage et l’upcycling ont le vent en poupe pour longtemps.
En effet, la gestion des déchets, l’épuisement des matières premières, la raréfaction de l’eau, la réduction de la consommation de l’énergie sont autant de préoccupations qui nous concernent tous.
Le bilan carbone, l’intégration de l’écosystème environnemental et l’inclusion de tous les citoyens sont en passe de devenir des habitudes et s’intègrent parfaitement à nos modes de vie aussi bien personnels que professionnels.
La marche est lancée et la Paris Fashion Week n’a pas d’autre choix que de prendre ce même chemin si elle veut toujours être un évènement d’exception.